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Photo du rédacteurAlissa PELATAN

GECES–Le bon carburant pour faire avancer l'entreprenariat social et solidaire


Résumé du Rapport du Groupe d’Experts pour la Commission sur l’Entreprenariat Social (publié en octobre 2016)

Claude Henri de Rouvoy, plus célèbre sous le nom du Comte de Saint-Simon a écrit: “la société toute entière repose sur l’industrie”. On suppose que la notion terme “industrie” dans l’Histoire de l’économie a nécessairement mené à l’idée d’entrepreneuriat. La question du jour est la suivante : l’Union européenne — voire, l’Europe entière — est-elle prête à affronter non seulement les problèmes économiques mais également les enjeux sociaux et environnementaux ?

Depuis 2008, la plupart des États membres de l’Union ont été témoins d’un taux de chômage dangereusement haut, accompagnée d’une exclusion sociale de certains de leurs concitoyens, d’une cristallisation de la mobilité sociale, ainsi que d’un état léthargique de certains de ses concitoyens qui les freinent dans leur chemin vers la réussite et la libération de tout leur potentiel.

Mais il reste encore une lueur d’espoir, l’Économie Sociale et Solidaire. En 2010, 14,1 millions de postes ont été créés aux quatre coins de l’Union, tous grâce aux entreprises sociales. Rien qu’en France, 2,37 millions d’employés travaillent pour les entreprises sociales — ce qui représentent près de 10% de l’emploi total en France et 13% des emplois dans le secteur privé. Bien que jeune et fragile, d’après la dernière cartographie de la Commission Européenne, cette tendance à ces entreprises particulières s’est considérablement accrue depuis 2013. En somme, une plus forte demande d’entrepreneuriat responsable et une multiplication des spécialisations ont permis à des pays tels que l’Italie ou la Belgique d’atteindre une hausse du taux d’emploi de près de 20%.

En octobre 2016, le Groupe d’experts pour la Commission sur l’entreprenariat social (GECES) a publié un rapport (ci-après “Rapport GECES”), qui expose quatre enjeux principaux qui, si relevés, permettraient aux entreprises sociales de s’armer contre les problèmes de demain: optimiser la visibilité et la compréhension de la notion d’entreprise sociale; favoriser leur accès aux financements; configurer un environnement juridique adéquat; et diriger la croissance économique de demain. Le rapport se borne à apostropher la Commission européenne pour qu’elle prenne des mesures efficaces afin de relever ces défis.

Il semble, être dans l’intérêt de tous, de nous concentrer sur l’importance des entreprises sociales en Europe et les moyens utilisables afin d’étendre leur reconnaissance à travers et en dehors de l’Union européenne (I.) avant d’éclairer les recommandations du rapport pour un environnement légal en faveur d’une Économie Sociale et Solidaire qui, en vérité, est la condition préalable et nécessaire pour que cette lueur d’espoir puisse encore plus continuer (II.).

Pour en savoir plus sur le GECES ainsi que le rapport complet, cliquez ici ou sur les images ci-dessous.


I. Pour la méiose des entreprises sociales en Europe

Situation actuelle au sein de l’Union

D'après la préface du Rapport GECES, les entreprises sociales ont le pouvoir de remédier aussi bien aux problèmes sociaux qu’économiques. En effet, les entreprises sociales exigent de favoriser l’inclusion sociale en créant et en offrant à la population sans emplois des opportunités d’insertion professionnelle. À terme, leurs développements, finiraient par réduire le taux de chômage et la part de la population qui ne peut subvenir à ses propres besoins ni à ceux de leur famille.

Selon le Chapitre IV du Rapport GECES, le développement des entreprises sociales en Europe pourrait également aider l’Union à faire face aux crises humanitaires et aux flux migratoires. En effet, permettre aux migrants de pourvoir des emplois, c’est les aider à mieux s’intégrer au sein de la société européenne. Ainsi, les autorités locales et régionales ont tout intérêt, selon le rapport, à encourager l’entreprenariat social dans leurs pays respectifs.

Par ailleurs, favoriser l’entrepreneuriat social a pour effet de consolider le principe d’égalité homme-femme. En 2015, selon les statistiques d’Eurostats présentés dans le Rapport GECES, 40% des entreprises sociales sont dirigées par des femmes contrairement aux petites et moyennes entreprises classiques où les dirigeants femmes ne sont présentes que pour 18% du total.

L’entrepreneuriat social, inspiré par le principe d’insertion par l’activité professionnelle, permettrait de créer des opportunités afin que les personnes à mobilité réduite puissent travailler, ce qui n’est pas une priorité dans les entreprises classiques. Enfin, le système de gouvernance démocratique et novateur autorise les entrepreneurs à se libérer de la hiérarchie pyramidale classique et à mettre en place une réelle et efficace synergie.

Outils de choix pour favoriser la prolifération

Le Rapport GECES cite que les problèmes sociaux et environnementaux ne seront réglés qu’une fois que les entreprises auront pris conscience qu’il importe de tenir compte de leur responsabilité sociale. L’appel à l’action de ce rapport destiné à la Commission européenne comporte deux ingrédients incontournables.

Tout d’abord, une économie collaborative est nécessaire afin que les entrepreneurs sociaux, l’administration, les investisseurs et les employés soient en harmonie et puissent se concentrer sur un but commun. Ensuite, les entrepreneurs sociaux devraient créer une réelle communauté pour partager leurs expériences, leurs idées, et leurs ressources. Réduire l’isolement renforcerait de manière non négligeable la visibilité, et donc l’impact des entreprises sociales. En somme, l’idée principale du Chapitre Premier du Rapport GECES consiste à ce que la Commission européenne doive proposer des mesures qui favoriseraient ce scénario de coopération.

Enfin, il faut une économie circulaire qui limiterait la pollution et la destruction des matières premières. À terme, on observerait un progrès au niveau environnemental. Contenu du principe d’utilité sociale, les entreprises sociales ont le potentiel de résoudre les problèmes liés à l’environnement à une échelle locale, en proposent des solutions innovantes tout en offrant des services et des biens qui puissent être tout aussi compétitifs que ceux mis sur le marché par les entreprises traditionnelles.

Appel à l’action

Le Rapport GECES propose treize recommandations pour améliorer l’écosystème des entreprises sociales, divisé en quatre thèmes. En effet, pour que les entreprises sociales aient un réel impact social, les entrepreneurs de demain doivent être aidés par les institutions publiques et les organismes privés. Dans la problématique de renforcer leur visibilité auprès du public, le Rapport GECES donne trois points qui permettraient à l’Union et aux États membres de veiller à ce que cette aide soit apportée.

Optimiser la visibilité

Tout d’abord, l’entrepreneuriat social manque toujours d’une réelle identité. Pour y remédier, GECES recommande une stratégie promotionnelle radicale qui la mettrait en lumière et répandrait les valeurs sociales partagées par les entrepreneurs à travers l’Union européenne et le monde. Cette promotion devrait être mise en place simultanément à un niveau européen, national et local pour donner à celle-ci un impact encore plus viral. Le but principal étant de présenter aux acteurs concernés ce qu’est une entreprise sociale, leur raison d’être, et de quelle manière chacun peut faire partie du mouvement. Des mesures qui facilitent les partenariats transfrontaliers durables et le networking (via un label européen) entre entrepreneurs sociaux sont nécessaires afin d’établir une communauté cohésive et stable.

Rendre la procédure juridique plus abordable

Le chapitre II du Rapport GECES constate que les aides au financement, les marchés publics et la procédure légale et administrative doivent être facilités. Il semble inadéquat de mettre en compétition des entreprises qui ont pour priorité le profit, avec des entreprises qui ont, eux, pour priorité une finalité sociale. Les entreprises sociales ne pourraient pas raisonnablement progresser dans une compétition féroce contre ces entreprises classiques, parce qu’elles sont concentrées sur l’utilité sociale, fondées sur une gouvernance démocratique et participative, fonctionnant en partie grâce au réinvestissement des recettes dans leur propre développement. Le Rapport GECES demande donc à la Commission et aux États membres de promouvoir l’efficacité des entreprises sociales afin d’attirer plus d’investisseurs. De plus, des fonds devraient être disponibles pour permettre aux entrepreneurs de former leur équipe. Les régulations telles que les taxes, les charges, et les mesures de comptabilité devront être facilité pour ces entreprises. L’Administration, quant à elle, si elle cherche à contracter avec une personne privée, devrait appeler en priorité des entreprises sociales.

Favoriser l’expansion hors-Union

Enfin, les entreprises sociales ne devraient pas être restreintes par les frontières de l’Union. En effet, des logistiques devraient être implantées et reconnues par l’Union afin que ces entreprises soient reconnues non seulement par les organisations internationales mais également par les États étrangers hors de l’Union, dans l’hypothèse où lesdites entreprises souhaiteraient y établir des relations entrepreneuriales. Construire un régime juridique taillé sur mesure pour l’échange des ressources internationales, des relations co-working entre ce qui fut longtemps appelé le “Nord” et le “Sud” serait aller au cœur de ce qu’est une entreprise sociale : provoquer un impact social positif et signifiant.


II. Configurer un environnement juridique adéquat

Le Chapitre III du Rapport GECES propose une nouvelle configuration de l’environnement juridique. Le régime applicable pour les entreprises sociales devra être fondé sur la charte de l’économie sociale de 2000, d’une vision humaniste. Il doit donner priorité à l’objectif social plutôt qu’aux profits, mettre en avant le bénévolat et un plan d’adhésion ouvert, une gouvernance participative par les membres, une implication active des membres, des usagers, en faveur de l’intérêt général, une défense du principe de solidarité et de responsabilité, une fonction autonome et indépendante de l’État, et un recyclage des surplus pour développer l’activité, ou les mettre au service des membres de l’entreprise ou de l’intérêt général.

Trois problématiques restent à être revues par la Commission européenne selon le même chapitre du Rapport GECES. Tout d’abord, pour qu’il y ait un régime juridique applicable spécifique, la Commission doit donner une claire définition juridique de ce qu’est une entreprise sociale permettant aux acteurs de comprendre leur activité, leur fonctionnement et leur impact. Ensuite, le networking entre entrepreneurs sociaux de différents États membres est crucial et doit être approfondi. Enfin, des mesures doivent être prises afin de permettre aux entreprises sociales de devenir les premiers choix de l’État au sein des marchés publics.

Établir une définition claire

Comprendre les finalités d’une entreprise sociale, ses bénéfices et ses besoins est la condition préalable afin qu’on puisse établir un environnement légal adapté à l’entrepreneuriat social. C’est ainsi que le Rapport GECES propose à la Commission et aux États membres de se battre afin de faire collaborer les entrepreneurs et les autorités locales, et d’établir une définition uniforme de ce que sont ces entreprises sociales pour toute l’Europe. Cette définition pourrait être le socle juridique qui servirait aux États membres et à leurs autorités décentralisées, d’établir leur propre définition adaptée. L’objectif est de publier une définition en 2020.

Permettre le libre networking au sein de l’Union

Il s’agit de permettre aux entreprises sociales d’être non seulement reconnues par le pays où elles ont leur siège social mais également dans chacun des pays de l’Union européenne. Cette reconnaissance favoriserait la croissance des entreprises sociales et la stimulation de l’économie au sein de l’Union. Bien que la Cour de justice de l’Union européenne ait rendu une décision, en date du 8 juillet 2011, favorable à cette reconnaissance mutuelle, ladite décision est seulement prétorienne, puisque les décisions de la Cour de justice ne lient aucune institution ni État membre. Le rapport cite qu’émettre une législation serait davantage effectif pour l’accès aux financements, la crédibilité, et la comptabilité entre les États. Afin que ceci soit possible, les États membres devront retirer toutes législations, ou règlements qui pourraient rentrer en conflit.

Faciliter l’accès aux financements

Priorité pour les marchés publics

La directive de 2014 relative aux Marchés publics européens et le package relatif aux Services d’intérêt économique général de 2013 (un rassemblement de toutes les normes concernant les stratégies économiques, fonds, engagements pour l’Union et les États membres) ont été transposés afin de permettre une plus grande flexibilité de l’accès aux fonds publics. L’Union et les États membres ont pu prendre en compte le cycle de vie des produits achetés avec l’argent public. Malgré les efforts de transposition de cette directive dans l’ordonnancement juridique interne, les marchés publics pour les entreprises sociales n’ont pas de force probante directe sur les États membres. Le rapport recommande que ces règles de fonds et les marchés publics soient autorisées pour les entreprises sociales, et que les États membres transposent au plus vite la directive. La Commission devrait également proposer des logistiques afin que la transposition se fasse plus efficacement.

Régime spécifique pour formations et dépenses publiques

Selon le Rapport GECES, la Commission devrait contrôler les politiques de dépenses de chaque État membre afin qu’elles ressentent une certaine responsabilité sociale. Une formation accompagnée, des ateliers de présentation et de networking devront être mis en place avec le soutien de l’administration locale afin d’attirer l’intérêt des marchés publics et de la concurrence privée.

Les dépenses étatiques devront atteindre un rapport qualité-prix plutôt qu’un standard du moins cher. Pour voir décoller l’entrepreneuriat social, la législation devrait réserver certains contrats administratifs et services publics spécialement pour des co-contractants d’entreprises sociales, par exemple l’accès à certains postes de fonctionnaires pour les personnes à mobilité réduite. Ces contrats devront être séparés des autres dans des lots isolés. La Commission doit non seulement surveiller l’administration mais également les co-contractants qui réalisent ces dépenses. La création de points de contact pour les marchés publics permettrait aux entrepreneurs de discuter, d’échanger et partager leurs expériences, cette idée devrait être implantée par l’Union. Ces centres devront également être le lieu d’événements sociaux.

Attirer de nouveaux entrepreneurs et investisseurs à impact social

Enfin, concernant les financements proposés par les États membres, le package de 2013 relatif aux Services d’intérêt économique général, bien qu’adopté, tarde à prendre ses effets. Les acteurs tels que les partenaires, les gestionnaires de fond, et l’administration sont encore hésitants à mettre en place ces mesures. Le Rapport GECES recommande aux États membres d’organiser des événements, ou de créer des plateformes en ligne afin d’informer et de guider ces acteurs qui seront activement impliqués dans la levée de fond pour les nouvelles entreprises sociales. La grande question maintenant, c’est de savoir si la Commission suivra effectivement ces recommandations.


Vers une harmonisation de la législation européenne

Le rapport du GECES, avec ses treize recommandations ordonnées autour de quatre problématiques cruciales, est un appel à l’action, en direction de l’Union et de ses États membres.

Si l’Union décide de transposer ces treize recommandations (notamment crédibilité, financement et networking) en mesures effectives afin de relever la courbe de l’économie, elle lui faudrait, au préalable, installer un environnement légal propice à accueillir ces innovations. Cet environnement juridique sera approprié quand l’Union cessera d’être simplement un dirigeant, et prendra en charge son rôle d’incubateur. En effet, rassembler les ressources afin de créer une définition objective et flexible, permettre la reconnaissance des entreprises sociales dans chacun des États membres, donner un accès facilité aux sources de financement et au marché public, ne sera possible uniquement que quand tous les Etats Membres collaboreront activement ensemble. En outre, pour le moment, les mesures émises par la Commission européenne sont, pour la plupart selon le rapport, simplement des directives.

La nature de cette norme n’ayant pas d’effet probatoire direct sur les États membres, peut-elle réellement veiller à la stabilité et au futur de l’entrepreneuriat social au sein de l’Europe ? Voici le prochain ordre du jour pour l’Union : préparer le chemin des entreprises de l’économie de demain.

 

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