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  • Photo du rédacteurAlissa PELATAN

Avec la loi Pacte du 22 mai 2019, la "société à mission" fait son entrée dans le droit.

Après de longues hésitations, la société à mission fait son entrée dans le Code du commerce et le Code civil grâce à la loi Pacte. Cette réforme du modèle français de l'entrepreneuriat engagé permet à la France de rattraper son retard face à ses voisins européens et étrangers, notamment les Etats-Unis, l'Italie et le Royaume-Uni.


Deux dispositions ont donc été promulguées afin de modifier le Code civil et le Code du commerce.


Tout d'abord, l'article 169 révise l'article 1833 du Code civil et établit que "la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité."


L'entreprise peut aller encore plus loin et enregistrer dans ses statuts sa raison d'être, "constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité" (article 1835 du Code civil).


Par ailleurs, l'article 176 fait entrer dans le Code du commerce la notion de société à mission : une "société peut faire publiquement état de la qualité de société à mission lorsque les conditions suivantes sont respectées :

  • (1°) Ses statuts précisent une raison d'être, au sens de l'article 1835 du Code civil.

  • (2°) Ses statuts précisent précisent un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité.

  • (3°) Ses statuts précisent les modalités du suivi de l'exécution de la mission mentionnée au 2. Ces modalités prévoient qu'un comité de mission*, distinct des organes sociaux prévus [...] et devant comporter au moins un salarié, est chargé exclusivement de ce suivi et présente annuellement un rapport joint au rapport de gestion, mentionné à l'article L.232-1 du Code de commerce, à l'assemblée chargée de l'approbation des comptes de la société. Ce comité procède à toute vérification qu'il juge opportune et se fait communiquer tout document nécessaire au suivi de l'exécution de la mission.

  • (4°) L'exécution des objectifs sociaux et environnementaux mentionnés au 2 fait l'objet d'une vérification par un organisme tiers indépendant, selon des modalités et une publicité définies par décret en Conseil d'Etat [...].

  • (5°) La société déclare sa qualité de société à mission au greffier du tribunal de commerce qui la publie sous réserve de la conformité de ses statuts aux conditions mentionnées aux 1 et 3, au registre du commerce et des sociétés [...].".


* A noter que l'article L. 210-12 du Code de commerce prévoit que : "une société qui emploie au cours de l'exercice moins de 50 salariés permanents et dont les statuts remplissent les conditions définies au 1° et 2° peut prévoir dans ses statuts qu'un référent de mission se substitue au comité de mission mentionné au 3°. Le référent de mission peut être un salarié de la société, à condition que son contrat de travail corresponde à un emploi effectif".


L'article 176 offre une troisième possibilité à l'entreprise qui lui permet de devenir "société à mission", en respectant les conditions énumérées ci-dessous.


Quels sont les avantages du statut "société à mission" ?


Le respect des conditions nécessaires à l'obtention du statut de société à mission ne donne pas droit à un régime fiscal favorable mais permet à l'entreprise d'utiliser l'appellation de "société à mission", ce qui a un impact plus fort que la simple adoption d'une raison d'être dans ses statuts. L'avantage est donc principalement la visibilité auprès de ses investisseurs et ses parties prenantes (clients, fournisseurs, consommateurs...).


Quelle sanction en cas de non-respect des conditions pour être une "société à mission" ?


Le risque est plus réputationnel que juridique pour l'entreprise. En effet, l'entreprise perd son statut d'entreprise à mission, ce qui peut faire fuir les investisseurs qui conditionnent leur entrée dans les entreprises au respect du statut d'entreprise à mission.


Cliquez ici pour lire les articles 169 et 176 de la loi Pacte.


Les nouvelles dispositions issues de l'article 176 de la loi PACTE seront précisées par décret en Conseil d'Etat.


Afin de préciser les nouvelles dispositions, notamment en ce qui concerne les modalités de vérification de la mission par un organisme tiers indépendant, une consultation publique est ouverte jusqu'au 27 août 2019 pour recueillir l'avis des personnes intéressées et des parties prenantes sur les sujets suivants :

  • La périodicité de la vérification ;

  • Le contenu et le nombre de diligences effectuées par l'OTI, notamment auprès des parties prenantes ;

  • Le contenu de la motivation et de la conclusion de l'avis de l'OTI.



Notre avis


La loi Pacte constitue un pas majeur dans la bonne direction mais il reste encore quelques points à améliorer.


1) Évaluation globale d'impact : une évaluation globale de l'impact positif de la société à mission est importante pour rendre la mention "société à mission" utile. En effet, nous proposons la mise en place par le gouvernement d'un modèle d'évaluation globale de l'exécution des objectifs sociaux et environnementaux qui peuvent être utilisés par l'OTI.

Si l'on mesure uniquement les objectifs sociaux et environnementaux définis par l'entreprise, cela peut s'apparenter à de la publicité mensongère. Prenons l'exemple d'une entreprise dont l'objectif (social et environnemental) est de fabriquer des meubles avec des matériaux recyclés. L'OTI peut a priori "certifier" la société à mission en vérifiant que les meubles sont fabriqués conformément à l'objectif.


Par contre, cette "certification" ne montre pas l'évaluation du comportement global de l'entreprise. En effet, l'OTI ne pourrait pas vérifier :

  • si l'entreprise a un impact social positif quant aux conditions de travail des salariés (i.e., questionnaire de satisfaction, charte d'éthique, work-life balance, mode de management respectueux),

  • si l'entreprise a un impact environnemental positif par la mise en place d'un programme de recyclage, en essayant de réduire son impact carbone ou en encourageant ses employés à prendre le vélo ou les transports en commun pour aller au travail.

En effet, le public pourrait penser que l'entreprise qui possède la mention "société à mission" se comporte de manière responsable alors que cela ne pourrait pas être le cas, compte tenu des dispositions de la loi.


2) Grille Tarifaire OTI : la vérification par un organisme tiers indépendant (OTI) est un processus qui pourrait être trop coûteux et trop lourd pour les PME et les TPE alors que celles-ci représentent la grande majorité des entreprises françaises. Il est de notre avis que le coût de cette vérification devrait se faire en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise pour ne pas exclure les PME/TPE de la possibilité d'obtenir la mention "société à mission" pour des raisons financières.


3) Formation des OTI pour évaluer les sociétés à mission : selon nous, une formation des OTI proposée par le gouvernement est nécessaire pour l'évaluation des sociétés à mission. En effet, l'évaluation d'une société à mission est très spécifique et n'a aucun précédent en France. En l'absence d'outils adaptés à leur disposition, les OTI peuvent être tentés d'appliquer les règles qu'elles connaissent en matière d'évaluation RSE alors que la société à mission est une démarche volontaire qui dépasse les règlements et lois en vigueur sur la transparence et le reporting.




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