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  • Photo du rédacteurAlissa PELATAN

ESS et SAM : complémentarité et articulation



En 2014, la loi ESS a ouvert la possibilité aux sociétés commerciales de devenir des entreprises de l’économie sociale et solidaire sous réserve du respect de certaines conditions. C’est par une procédure analogue et dans une même démarche citoyenne que les sociétés commerciales peuvent désormais également, depuis la promulgation de la loi PACTE le 22 mai 2019, accéder au nouveau statut de société à mission. Celui-ci permet d’acter, à long terme, la poursuite d’autres objectifs que le profit, orientés vers le progrès social et environnemental.



Née d’un plan d’action renforçant la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) et inspirée des Benefit corporations américaines, la société à mission se distingue de la mention ESS et de l’agrément ESUS premièrement par ses conditions d’attribution. Au nombre de quatre, celles-ci recouvrent la définition d’une raison d’être et d’un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux tout en prévoyant un double-contrôle de l’exécution de la mission : en interne par un comité ou référent de mission en plus de l’intervention externe d’un organisme accrédité et indépendant. Une totale liberté est ainsi laissée concernant la gestion et la gouvernance d’entreprise, qui font l’objet d’un encadrement plus strict pour l’obtention de la mention ESS et de l’agrément ESUS. En effet, dans ce cas, non seulement l’entreprise doit poursuivre une mission d’utilité sociale correspondant à l’une des 4 définitions proposées à l'article 2 de la loi du 31 juillet 2014, mais elle doit également répondre d’une gouvernance démocratique et d’une lucrativité limitée, traduite principalement par l’affectation majoritaire des bénéfices au développement de l’entreprise et une distribution limitée des dividendes. Plus encore, la poursuite d’une utilité sociale doit être élevée au rang d’objectif principal de la société si celle-ci souhaite acquérir l’agrément ESUS en prolongement de la mention ESS.

Bien que répondant à des conditions différentes, il faut garder à l’esprit que ces deux qualités sont compatibles et même complémentaires. Dans la pratique, leur cumul requiert un exercice d’articulation des conditions d’attribution dans les statuts de la société.



La complémentarité entre la mention ESS/ESUS et la qualité de société à mission


Précisément, c’est dans une dynamique d’incitation de toutes les sociétés commerciales à intégrer des enjeux sociaux et environnementaux à leur activité que la loi PACTE a prévu ce nouveau statut de société à mission et, par conséquent, les sociétés bénéficiant déjà de la mention ESS/ESUS y sont naturellement éligibles, sous réserve de modifications statutaires. Le cumul de la mention ESS et de la qualité de société à mission fait théoriquement sens dans la mesure où la conviction que l’entreprise est un acteur qui doit contribuer à l’intérêt collectif est toujours à l’origine des démarches visant à leur obtention. Plus encore, on trouve entre les deux listes de conditions d’attribution des complémentarités non négligeables. Premièrement, l’existence d’une utilité sociale pour une entreprise agissant dans le sens de l’intérêt collectif est complémentaire de la nécessité de définir des objectifs sociaux et environnementaux qui vont venir préciser l’ambition de celle-ci. Inscrit dans une démarche plus large consacrée à la fin davantage qu’aux moyens, la qualité de société à mission offre d’ailleurs toute liberté dans la définition de ces derniers, jusqu’à laisser le choix de leur grille d’évaluation, tandis que l’objectif d’utilité sociale répond d'une définition réglementaire précise. Deuxièmement, si l’obtention de la mention ESS requiert un contrôle a priori de l’exécution réelle des moyens de réaliser son utilité sociale, qui s’exerce au travers d’un système de gouvernance démocratique ; la qualité de société à mission dispose également d’un mécanisme de contrôle mais a posteriori via le comité de mission et l’organisme tiers indépendant. Ce dispositif de reporting assure un suivi régulier des objectifs que la société s'est fixés, complémentaire des autres contraintes imposées par la mention ESS comme la lucrativité limitée.


D’un point de vue purement procédural, ce cumul de la mention ESS et de la qualité de société à mission est facilité par la possibilité d’en faire les demandes simultanément, en déposant le dossier une seule fois au greffe du Tribunal de commerce et au Centre de Formalités des Entreprises (CFE). La demande de l’agrément ESUS doit faire l’objet d’une sollicitation supplémentaire auprès de la DIRECCTE. Ce point pratique intervient toutefois après un épisode de rédaction ou de modification des statuts nécessitant de concilier plusieurs aspects de la mention ESS/ESUS et de la qualité de société à mission.


La conciliation des conditions d’attribution de la mention ESS/ESUS et du statut de société à mission

Sans que la loi n’en ait prévu les modalités, l’obtention des deux qualificatifs de l’ESS et de la société à mission repose en pratique sur des modifications statutaires qu’il faut parfois superposer ou articuler en respectant l’esprit des dispositions réglementaires.

Dans un souci de concision, la possibilité de fusionner la définition d’utilité sociale avec les différents objectifs sociaux et environnementaux très personnalisés au sein des statuts est intéressante. Toutefois, elle a pour conséquence de réduire la liberté de la société concernant leur rédaction. Plus fidèle aux textes, une autre méthode rédactionnelle peut consister à détacher distinctement les deux notions, à la fois pour échapper à un tel risque, mais également pour opérer la distinction théorique entre les deux mentions. En tant qu’avocats, notre tâche est celle de trouver la rédaction qui est la plus fidèle à vos valeurs et sans trahir la mission que vous avez choisie pour votre entreprise.


Par ailleurs, le critère de gouvernance démocratique propre à la société de l’ESS et celui de contrôle interne relatif à la société à mission sont deux conditions qui sont, en pratique, remplies par la création de deux comités, le comité de gouvernance participative et le comité de mission. Toutefois, il est en pratique envisageable de fusionner ces deux instances en considérant que le dispositif de gouvernance démocratique peut intégrer dans ses objectifs le suivi régulier de l’accomplissement de la mission. Les deux comités pourraient ainsi être constitués des mêmes membres. Cette articulation pose question dans la mesure où l’article L210-10 du Code de commerce prévoit que le comité de mission « est chargé exclusivement de ce suivi », condition ne pouvant pas être réellement respectée si ce dernier relève d’un comité plus vaste. Et même si la charge de prévoir les modalités de suivi de l’exécution de la mission revient aux statuts, certaines questions se posent quant à la véritable nature de ce comité : Faut-il lui dédier des postes à plein temps ? Quelle est l’autorité reconnue aux membres de ce comité vis-à-vis des dirigeants ? Il faudra donc être attentif à la jurisprudence à venir pour définir plus précisément les règles relatives à ce comité et pouvoir l’articuler avec le comité de gouvernance démocratique de manière cohérente.


 

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