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  • Photo du rédacteurAlissa PELATAN

L’optimisation sociale du droit de propriété à travers le mécanisme du Bail Réel Solidaire

Dernière mise à jour : 26 avr. 2021

La Foncière de la Ville de Paris, organisme de foncier solidaire (OFS), offrait au début du mois ses premiers logements en accession, à des prix réduits presque de moitié, à destination de familles de classe moyenne grâce au dispositif du bail réel solidaire (BRS).


Issu de la loi n°2014-699 du 24 mars 2014 et de l’ordonnance n° 2016-985 du 20 juillet 2016, ce dispositif s’inspire du mécanisme américain des Community Land Trusts. Il vise à développer l’accession sociale à la propriété en s’appuyant sur une dissociation perpétuelle de la propriété du sol et des constructions. En dissociant le coût du foncier du coût du bâti, le prix d’achat du logement (correspondant au bâti) est diminué. Le prix de revente est également amoindri et encadré.


Cet outil juridique facilite l’accès à la propriété à travers un mécanisme innovant (I) et largement encadré (II), au profit d’une forte utilité sociale (III).


I – Un outil juridique pour favoriser l’accession à la propriété


A but non lucratif, l’organisme de foncier solidaire (OFS) est un organisme public ou privé agréé par l’État qui a pour objet d’acquérir et gérer des terrains, bâtis ou non, en vue de réaliser des logements et équipements collectifs (L. 329-1 et suivants du Code de l’Urbanisme). L’OFS dispose de la compétence exclusive pour octroyer des baux réels solidaires (BRS), régis par les articles L. 255-1 à L. 255-19 du Code de la construction et de l’habitation. Le BRS est consenti à un preneur pour une durée comprise entre 18 et 99 ans, en vue de la location ou de l’accession à la propriété de logements devant être occupés à titre de résidence principale.


La nature non lucrative de l’OFS présuppose la finalité du BSR et le distingue des autres baux conférant un droit réel immobilier. Le Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance sur-citée le rappelle : l’OFS est un « nouvel acteur foncier dont l’objet est notamment de constituer un parc pérenne d’accession à la propriété ou à la location de ménages modestes ». Le dispositif ouvre ainsi aux personnes et familles les moins aisés l’accès à la propriété de leur résidence principale dans une zone où ils n’auraient pas la capacité financière suffisante pour acheter au prix du marché.


II – Un régime favorable soumis à de strictes conditions


La conclusion du bail, de par sa finalité, est encadrée par des conditions strictes, pesant tant sur le preneur (a) que sur le bailleur (b).


a. Les conditions tenant au preneur


Le BRS ayant pour vocation de faciliter l’accès à la propriété à des ménages modestes, sa conclusion est nécessairement soumise à des conditions de plafond de ressources, fixées annuellement par décret en Conseil d’État. Ce plafond repose sur la zone géographique, définie en fonction de la tension immobilière (plus celle-ci est forte, plus le plafond est relevé), le nombre de personnes composant le foyer fiscal et le total des revenus imposables pris sur l’année N-2.


Depuis 2017, les primo-accédants (qui n’ont pas été propriétaires de leur logement dans les 24 derniers mois), peuvent bénéficier d’un prêt à taux zéro pour financer une acquisition en BRS.


L’usage du bien est également conditionné : la conclusion d’un BSR est destinée à l’occupation à titre de résidence principale durant toute la durée du contrat. Cette exigence s’applique toutefois à l’occupant uniquement, et non au preneur lui-même.


En effet, le BRS peut également être consenti à :

  • Un opérateur qui s’engage à mettre les logements en location à des ménages modestes sous conditions de ressources et de loyers,

  • A un opérateur qui s’engage à vendre les droits réels immobiliers à des bénéficiaires répondant à des conditions de ressources, ou à proposer la souscription de parts ou actions permettant la jouissance du bien par ces bénéficiaires.

Enfin, la propriété du bâti étant un véritable droit réel, celui-ci peut faire l’objet d’une transmission. Toute velléité lucrative étant évidemment exclue, la transmission sera nécessairement soumise aux mêmes conditions que celles de la conclusion du bail, en plus d’obtenir l’accord préalable de l’organisme de foncier solidaire.


b. Les conditions tenant au bailleur


Tout organisme qui souhaite bénéficier du statut doit en solliciter l’agrément à l’État.


Pour bénéficier de cet agrément, il convient tout d’abord être dépourvu de but lucratif, ou de revêtir la forme de société d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux ou d’organisme d’habitations à loyer modéré (L 329-1 du Code de l’urbanisme).


Le but poursuivi par l'organisme de foncier solidaire est non lucratif, dès lors que « son objet est autre que le partage des bénéfices ». Cette exigence n’est pas incompatible avec une forme de société. Cependant, le régime fiscal favorable des associations et les règles de fonctionnement des organismes de foncier solidaire justifient souvent le choix de l’association. En effet, la loi les oblige à affecter entièrement leurs bénéfices au maintien ou au développement de leur activité, et leurs réserves financières et recettes locatives sont consacrées exclusivement à l'activité de gestion des baux réels solidaires ou au développement de cette activité. Par ailleurs, lors de la dissolution de l'organisme, l'ensemble de l’actif est dévolu à un autre organisme foncier solidaire.


L’OFS devra, en outre, être en mesure de « garantir la pérennité des baux accordés ».


Enfin, les statuts ou documents constitutifs de l’organisme devront préciser le périmètre géographique d’intervention de l’organisme, la part des bénéfices issus des activités autres que celles liées au BRS qui sont, le cas échéant, affectées aux réserves obligataires, ainsi que les conditions dans lesquelles les décisions de gestion relatives aux BRS consentis par l’OFS sont prises en cas de suspension ou retrait d’agrément et les modalités de dévolution des biens dans le délai d’un an suivant le retrait.


III – Un véritable outil au bénéfice des projets d’intérêts collectifs et à impact sociaux


La propriété n’est ici plus envisagée comme l’expression d’une sécurité patrimoniale ou simple outil de satisfaction de besoins privés.


C’est une réelle innovation et une solution sur mesure pour les organismes ayant pour objet d’œuvrer pour l’accès au logement des personnes isolées, de favoriser le lien social, de créer de l’habitat collectif ou encore d’humaniser les centres d’hébergements.


Déjà de beaux projets construits sur ce modèle ont vu le jour. C’est notamment le cas d’associations ayant pour activité de développer des « maisons partagées » entre personnes valides et handicapés : en obtenant l’agrément OFS, une association « tête de réseau » peut donner à bail la propriété du bâti à des associations partenaires locales, elles-mêmes pouvant vendre ou louer la propriété aux personnes désireuses de rejoindre l’habitat collectif.


Fin mars 2021, le Groupe Action Logement, acteur de référence du logement social dont l’objet est de faciliter l’accès au logement pour favoriser l’emploi, lançait un appel à projets au profit des OFS pour accompagner les politiques d’accession sociale portées par les collectivités locales. Le but ? Identifier le besoin des OFS sur l’ensemble des territoires et leur proposer des financements à hauteur de 200 millions d’euros. Action Logement accordera ainsi des prêts subordonnés de longue durée (40 ans) à taux fixe (0,5%) aux OFS, avec la possibilité́ d’un différé d’amortissement de 10 ans maximum à taux 0.

Le dispositif s’appliquera aux zones dites « tendues », aux zones où les enjeux « emploi-logement » sont particulièrement forts ainsi qu’aux villes du programme Action Cœur de Ville. Le cœur de cette mission d’utilité sociale est notamment de pouvoir contribuer significativement à la mixité des statuts résidentiels.


Selon le réseau des organismes fonciers solidaires « Foncier Solidaire France », 52 organismes de foncier solidaires étaient agréés en France en février 2021. D’ici 2024, plus de 9200 logements en bail réel solidaire auront été livrés.



Bibliographie

  • Loi n°2014-699 du 24 mars 2014

  • Ordonnance n° 2016-985 du 20 juillet 2016

  • Décret n°2016-1215 du 12 septembre 2016

  • Articles L. 255-1 à L. 255-19 du Code de la construction et de l’habitation

  • Articles L. 329-1 et suivants du Code de l’urbanisme

  • Articles R.329-1 à R. 329-17 du Code de l’urbanisme

  • Dalloz - Fiches d’orientation - Bail Réel Solidaire – 09/2020

  • Réflexions sur le régime fiscal des OFS et des BRS, P. Loiseaux, AJDI 2016.746

  • Dalloz - Dictionnaire permanent Construction et urbanisme – Bail réel solidaire

  • Bail réel solidaire : la reconnaissance de l’emphytéose rechargeable, J.Picard, LPA 22 nov. 2016, n° 122a3

  • Le bail réel solidaire : une petite révolution du droit de propriété à mettre en perspective, V. Le Rouzic, Gaz. Pal. 12 sept. 2017, n° 303d3, p. 6



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